La
chasuble de Saint-Yves La chasuble dite "de
Saint-Yves" est une cape fermée sur le devant, tombant jusqu'aux
genoux. Elle est entièrement brodée
d'un motif répété en
tête-bêche,
le motif représentant un griffon
(monstre mi-lion mi-aigle) agrippé à un arbre feuillu et
fleuri, l'Arbre
de Vie. Des fleurettes stylisées occupent le
peu d'espace disponible entre les répétitions du motif. Les artisans (ou artistes) ont brodé en brocard sur une solide toile de lin des fils mi-soie (soie et lin) de teintes fortement contrastées et des fils d'or de Chypre rehaussant certains détails. Qu'est donc cet "or de Chypre", qui n'a visiblement rien de métallique ? C'est un produit des fonds marins, le byssus de la grande nacre (Pinna nobilis), c'est la Soie de Mer. Le Maestro di Bisso Chiara Vigo le confirme, et précise que le terme "or de Chypre" désigne une façon particulière du travail de la Soie de Mer, donnant un fil grège (non teinté) réservé à la décoration des vêtements sacerdotaux. Selon le pannonceau didactique du conservateur
(la chasuble est, bien sûr, inscrite au Patrimoine national), l'ouvrage
proviendrait d'ateliers hispano-mauresques situés soit en Sicile,
soit quelque part ailleurs en Méditerranée... |
Le
Griffon
est lié au ciel par sa moitié aigle, et à la terre par sa moitié lion. Entre ces deux éléments : le feu, dont il partage la symbolique. Dans les représentations médiévales, il connote les paires superbe-arrogance, humain-divin, intelligence-force, ou encore paradis-enfer. Le griffon apparaît en Mésopotamie (Iran) dès le IVe millénaire A.C. Les anciens Grecs lui attribuent la puissance du lion, le regard perçant de l'aigle et sa faculté de voler au plus haut du ciel. Gardien des trésors Hyperboréens, il veille sur la coupe de vin du dieu Dionysos. Apollon le chevauche dans sa course solaire et il tire parfois le char de Némésis, déesse de la vengeance. Après leur captivité à Babylone (vers 500 av.JC) les Hébreux firent du griffon le symbole de la Perse, et de sa religion dualiste des principes du bien et du mal. Les ouvrages de "broderie altaïque" (des nomades des monts Altaï, en Sibérie - IV° siècle avant notre ère) sont les plus anciennes broderies connues à ce jour. Application de cuir et feutre, l'une des premières broderies altaïques orne une housse de selle et elle représente des griffons. Dès le V° siècle av.JC, les Celtes représentent le griffon en gardien de l'Arbre de Vie. Deux siècles plus tard, en Roumanie, dans l'Est de la France et jusqu'au Sud de l'Angleterre. les griffons sont représentés par deux, face à face et gueules ouvertes, tels le Bien et le Mal qui, mis face à face, peuvent être connus l'un et l'autre en vue de s'attacher au Bien et de renoncer au Mal. Au Moyen Age, la double nature du griffon
interprétée soit comme démoniaque, soit comme symbole de la double nature
du Christ, l'aigle symbolisant alors la part divine du Messie et le lion
sa part humaine, il est à la fois dieu et homme, roi du ciel et de la
terre. A ce titre, le griffon exprime le mythe de la résurrection. Nous savons que les animaux mythiques, fruits de l'imagination humaine, n'ont aucune réalité objective. Cependant, ces images synthétiques s'adressent à la dimension archétypale de notre conscience : le monstre fabuleux représente une énigme que l'homme doit résoudre afin de pouvoir s'en approprier le contenu métaphysique. |
L'arbre
de Vie
est tenu par presque toutes les cultures comme symbole fondamental : les branches de l'arbre atteignent le ciel, demeure du soleil fécond, tandis que ses racines s'insinuent dans les profondeurs de la terre, domaine de la mort. L'arbre idéal, liant le dessus et le dessous, le visible et l'invisible, est autant un symbole féminin, dispensateur de vie, et un symbole masculin, visiblement phallique. En ce sens, l'Arbre de Vie est union. Si pour les cultures dites "primitives" l'Arbre de Vie représente souvent l'axe du monde, il est aussi l'Axis Mundi des kabbalistes. Les mythologies judéo-chrétiennes
le plantent au centre du Jardin d'Eden et il est associé à la croix christique.
L'arbre de Noël contemporain porte encore ces représentations, mais ses
fruits ne confèrent plus l'éternité comme ceux de l'Arbre du Mal au Paradis
Terrestre. C'est pourtant sous cet arbre qu'Odin conçut le don du langage et que Bouddha reçut l'illumination. |