Chiara
Vigo
est née à Calasetta, sur
la côte nord de l'île de Sant'Antioco, en 1955. Son aïeule,
Leonilde Mereu, fut le dernier Maître de Byssus tenant sa
propre école. Enfant, Chiara aimait passer de longues journées
auprès de sa grand-mère qui lui communiquait les éléments
essentiels de sa spiritualité et les grandes lignes de ses connaissances.
Ainsi passa l'âge des initiations.
A 20 ans, Chiara avait déjà fait sienne une somme
considérable de savoir et développé une telle vitalité
créatrice que l'aïeule décida de transmettre à
la jeune femme la globalité de son art.
Pendant ce temps Chiara
a atteint certains des diplômes des écoles publiques pourraient être utilisés
pour procéder à toute utilisation moderne, mais tel ne fut pas son choix. Obéissant
à l'appel du byssus, elle voudrait s'opposer aux contradictions
du nouvel ordre socio-institutionnel qui néglige les maîtres
- réservoirs de valeurs - mais glorifie leurs oeuvres
en les rangeant dans les vitrines des musées, comme choses mortes
et vides.
Ainsi, le legs affectif et personnel
devient un tout culturel, cause d'une lutte inconditionnelle. D'autre
part, en suivant la voie du byssus, Chiara découvre
peu à peu que la passion, la patience et la minutie sont les instruments de son dévoilement.
Sa
fascination
tant pour les réalisations artistiques
de la grand-mère Leonilde que pour sa profonde spiritualité
encourage Chiara sur ce chemin difficile. Difficile, car les temps
sont désormais ceux du changement accéléré
et que la morphologie des éléments tant humains que naturels
ne se peuvent plus comparer : la marée du consumérisme
a noyé les racines de l'antique profession, tranché les
liens entre la communauté et son milieu, entraîné
l'altération irréversible des besoins.
La
Pinna nobilis,
mystérieuse source d'une histoire extraordinaire,
est déclarée "en voie d'extinction" et conséquemment
protégée, par une directive du Conseil Européen de
1992 confirmée par Décret du Président de la République
Italienne en 1997.
Désormais, Chiara Vigo est l'unique personne en Méditerranée
- donc, au monde - qui voulait maintenir vivante une tradition millénaire.
Seule, elle soutient l'idée que la disparition du byssus représenterait
la perte d'un grand nombre de valeurs et d'un savoir grâce auquel
l'Histoire s'est construite, tant en son île que dans le bassin
occidental de la Méditerranée. Poussée par sa passion
et, plus simplement, fidèle à la promesse faite à
son aïeule, Chiara Vigo oriente sa propre existence : elle
tisse le byssus et le tissera tant qu'elle le pourra.
Avec
ténacité,
Chiara
Vigo entreprend de surmonter les obstacles qui s'opposent à
sa "mission".
Pour prélever les filaments de la Pinna nobilis sans l'endommager,
elle - dit - doit mettre au point une méthode de récolte inédite
: pendant 7 ans, elle étudie minutieusement les moeurs du grand
bivalve et son habitat. Plongeant de jour, de nuit et par tous les temps,
elle finit par comprendre qu'au début de chaque mois de mai, les
fanges de la lagune mollissent et qu'on peut alors en détacher
le mollusque pour prélever une partie de sa "barbe",
avant de le replanter dans la vase où il continuera à se
développer normalement, les filaments tranchés reprenant
leur lente croissance.
Mais cette découverte ne vaut que si les conditions favorables
à la survie de la Pinna nobilis sur les hauts-fond se maintiennent.
Aussi Chiara Vigo multiplie-t-elle ses appels aux autorités,
demandant que le développement des fermes piscicoles soit contrôlé,
que les rejets de substances toxiques soient effectivement empêchés,
que la pêche au filet ou au chalut soit interdite.
En
même temps,
Chiara Vigo s'efforce de mettre en oeuvre
l'art qui lui a été transmis et de faire connaître
les oeuvres qu'elle réalise en byssus. Les pièces
uniques réalisées sont des merveilles non seulement de technicité
mais aussi, à l'évidence, de créativité artistique.
C'est grâce à ces oeuvres, modestes par leurs tailles et
pourtant sans prix, que Chiara se fait connaître de par le
monde. Elle est invitée à de nombreux congrès et
expositions internationales, elle reçoit chez elle les reporters
de revues prestigieuses et de diverses chaînes de télévision
qui portent son oeuvre et la saga du byssus à la connaissance
du monde entier.
En
2002,
une conférence sur le byssus et son
élaboration, intitulée "L'or de la mer rencontre les
fils de la terre" se tient à l'Ecole Leumann de Turin. Lors
de cette événement, son travail éveille l'intérêt
de tisserands et d'experts es-textiles internationaux.
C'est en entrant dans l'atelier de Chiara, (comme l'a fait l'auteur
de ces lignes), en parlant avec elle, qu'on mesure combien est important
le sauvetage du byssus, puisqu'il s'agit de sauvegarder une partie de
nous-même. Car, dit-elle, "nous sommes tous tissés d'une
précieuse matière venue de la mer, nous sommes tous produits
d'une vérité plus grande que nous, chacun(e) de nous est
une oeuvre miniature et sans prix". C'est ce que nous enseigne l'art
de Chiara Vigo, la vie qui anime son atelier, les motifs qu'elle
crée sur son métier à tisser.
a
n d i a m o
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